Ayant consacré une grande partie de ma carrière professionnelle à conseiller et à défendre les dossiers de salariés, et parfois d’employeurs, et donc à réfléchir et travailler sur l’application du droit du travail, j’ai suivi avec attention l’avis donné par le Conseil d’État sur le projet de loi, puis le vote extrêmement rapide de la loi par les parlementaires, et enfin le recours devant le Conseil Constitutionnel.
La loi du 5 aout 2021, porte une atteinte, à mon sens sans précédent, aux droits des salariés, des agents publics, et des employeurs, et au droit de l’emploi.
Le droit au travail est l’un des droits de l’homme proclamé à l’article 23 de la Déclaration des Nations unies de 1948.
Il est par ailleurs inscrit à l’article 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : « Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ».
Ce droit est enfin repris dans la Constitution de 1958 qui fonde les bases de la Ve République.
Plusieurs clients m’ont d’ores et déjà interrogée sur les situations professionnelles qu’ils vivent ou auxquelles ils vont être prochainement confrontés en application des dispositions de cette loi.
Le présent article a pour but de présenter de façon très synthétique les principaux aspects de la loi au regard du droit du travail, laquelle aura très certainement dans les jours à venir des répercussions importantes sur la vie professionnelle de nombreux citoyens.
La loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a été publiée au Journal Officiel du 6 août 2021. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2021/8/5/PRMX2121946L/jo/texte
Elle succède à la loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire publiée au JO du 1er juin 2021. https://www.legifrance.gouv.fr/eli/loi/2021/5/31/PRMX2111684L/jo/texte
Elle a été adoptée par l’Assemblée nationale le 25 juillet 2021 par 156 voix, étant précisé que le nombre de votants était de 230, et que l’Assemblée nationale comporte 577 députés.
Par décision n° 2021-824 du 5 août 2021, le Conseil Constitutionnel a déclaré la plupart des dispositions de la loi conformes à la constitution.
On peut observer que le terme « la sortie » de crise a disparu de l’intitulé de la loi du 5 août 2021,alors qu’il figurait dans la loi du 31 mai 2021 ce qui n’augure probablement rien de bon quant au caractère réellement provisoire de cette loi.
Ce vocable réapparaît toutefois dans le décret d’application de la loi n° 2021-1059 publié le 7 août 2021, modifiant le décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 , et prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de « la sortie » de crise sanitaire.
Un second décret n°2021-1056 pris le même jour , concernant les magistrats, préfets de département, officiers et agents de police judiciaire, agents spécialement habilités à constater ces contraventions, médecins, avocats et particuliers, a pour objet le montant des amendes forfaitaires applicables à certaines contraventions de la cinquième classe réprimant la violation des mesures prévues dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire par les articles 1er et 16 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021.
- La loi du 5 août 2021 reporte tout d’abord au 15 novembre 2011 la période durant laquelle le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 prendre un certain nombre de dispositions.
Certaines de ces dispositions ont eu vocation à s’appliquer dès le 9 août 2021, d’autres concernant les contrats de travail doivent s’applique à compter du 30 août. Enfin certaines s’appliqueront à compter du 15 septembre, et en principe jusqu’au 15 novembre 2021.
Toutefois, depuis le 21 juillet 2021, le « Passe sanitaire » était déjà obligatoire pour accéder aux lieux de loisirs et de culture accueillant plus de 50 personnes.
- La loi du 5 août 2021 poursuit sans le nommer expressément l’instauration et la construction du « Passe Sanitaire » lequel peut être obtenu , comme chacun sait , selon trois modalités distinctes :
1. Un schéma vaccinal complet dans le respect du délai nécessaire après l’injection finale,
2. La preuve d’un test négatif ( PCR ou antigénique) de moins de 72h
3. Le résultat d’un test RT-PCR ou antigénique positif attestant du rétablissement de la Covid-19, datant d’au moins 11 jours et de moins de 6 mois.
À compter du 9 août, le seuil de 50 personnes a disparu dans les activités dites « de loisir » et le « Pass sanitaire » s’applique également dans les cafés et les restaurants, y compris les terrasses, ainsi que dans certains grands centres commerciaux de plus de 20 000 m² selon une liste établie par le préfet dans les départements où circule activement le virus.
Les déplacements en avion, ou pour les longs trajets en train et en car sont également concernés.
Le Passe sera également demandé pour prendre visite à des personnes hospitalisées, ou à des personnes adultes en établissements, pour protéger les personnes les plus à risque de faire des formes graves de la Covid.
Cette obligation s’appliquera aux 12-17 ans à partir du 30 septembre.
L’essentiel de ces dispositions générales figure à l’article 1 du chapitre I de la loi.
- Cette réglementation sera applicable au public et, à compter du 30 août 2021, aux personnes qui interviennent dans ces lieux, établissements, services ou évènements lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l’exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue.
La suite de l’article concerne directement le droit du travail et de l’emploi, apportant des dispositions nouvelles et inédites imposant aux salariés, et aux employeurs de justifier ou de contrôler l’existence du Pass sanitaire .
À défaut, l’employeur se verra contraint de prendre des mesures de nature à entraîner la suspension du contrat de travail ainsi que la rémunération du salarié ou de l’agent public qui ne pourra pas ou ne souhaitera pas justifier de la possession d’un Passe sanitaire en bonne et due forme.
Le texte est en effet libellé comme suit :
« Lorsqu’un salarié soumis à l’obligation prévue aux 1° et 2° du A du présent II ne présente pas les justificatifs, certificats ou résultats dont ces dispositions lui imposent la présentation et s’il ne choisit pas d’utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés, ce dernier lui notifie, par tout moyen, le jour même, la suspension de son contrat de travail. Cette suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié produit les justificatifs requis. »
Des dispositions sont également prévues pour que l’employeur convoque le salarié au-delà d’une durée de trois jours travaillés afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, le cas échéant temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.
Des dispositions similaires sont prévues pour les agents publics.
- La loi prévoit des sanctions pénales ainsi que la possibilité par l’autorité administrative après mise en demeure demeurée infructueuse durant 24 heures ouvrées de prononcer une mesure de fermeture administrative pour une durée maximale de sept jours, pour les exploitants de service de transport, ou de lieux ou d’établissement dans les secteurs visés préalablement en cas d’absence de contrôle.
En cas de récidive les peines prévues peuvent aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 9 000 € d’amende.
Clairement, les salariés en contrat à durée déterminée ou indéterminée, ainsi que les agents publics fonctionnaires ou contractuels, pourront donc voir leurs contrats de travail suspendus, sans rémunération.
Les employeurs quant à eux n’auront pas d’autre alternative que de mettre en place des dispositifs de contrôle des Passes sanitaires de leurs employés, ainsi que du public le cas échéant, d’engager le processus de suspension des contrats travail des employés ne justifiant pas d’un Passe sanitaire répondant aux dispositions légales, sous peine de voir leur responsabilité pénale engagée ou de risquer une mesure de suspension administrative de leur établissement, très vraisemblablement reconductible, même si la loi ne le précise pas.
- Le chapitre II de la loi est consacré quant à lui à l’obligation vaccinale.
Celle-ci concerne au sens très large du terme les soignants dans une liste exhaustive figurant à l’article 12 de la loi.
Cette obligation a vocation à s’appliquer à compter du 15 septembre 2021, étant précisé au préalable que les personnels soignants doivent justifier à compter du lendemain de la publication de la loi soit depuis le 7 août 2021, de la présentation d’un Passe sanitaire répondant à l’une des trois conditions exposées ci-avant.
Des dispositions similaires à celles évoquées ci-avant sont prévues concernant la suspension du contrat travail du salarié ou de l’agent qui ne justifierait pas auprès de son employeur du respect de l’obligation vaccinale à compter du 15 septembre.
Il est de plus ajouté à l’article 14 de la loi que cette période de suspension du contrat travail ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté. Pendant cette suspension, le salarié conserve uniquement le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire auxquelles il a souscrit.
A compter du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021 inclus, ces mêmes professionnels ne pourront exercer que s’ils justifient de l’administration d’au moins une des doses requises et du résultat d’un dépistage virologique ne concluant pas à une contamination à la Covid-19. A compter du 16 octobre, ils ne pourront plus exercer leurs activités sans justifier de l’administration de l’ensemble des doses requises.
Pour les professionnels libéraux : Les Agences Régionales de Santé vérifient que les professionnels de santé libéraux qui ne leur ont pas adressé leur justificatif de vaccination (ou de rétablissement, ou de contre-indication) ne méconnaissent pas l’interdiction d’exercer leur activité.
Lorsque l’employeur ou l’ARS constate qu’un professionnel de santé ne peut plus exercer son activité depuis plus de 30 jours en raison de la non satisfaction à l’obligation vaccinale, il en informe, le cas échéant, le conseil national de l’ordre dont il relève.
La question ici n’est pas de débattre de l’efficacité ou des risques du vaccin qui appartient aux scientifiques, ni même de la question d’être pro ou anti vaccin.
La question qui se pose est celle de la légalité de la loi du 5 août 2021, notamment au regard du respect des libertés.
Des recours sont actuellement engagés par des cabinets d’avocats, ainsi que par des associations contre la loi du 5 août 2021 devant le Conseil d’État et la Cour européenne des droits de l’homme.
On peut notamment citer le règlement n° 2021/953 adopté par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne le 14 juin 2021, et publié au Journal officiel de l’Union européenne le 15 juin 2021 qui interdit dans son Considérant 36 les discriminations à l’encontre des personnes ne souhaitant pas se faire vacciner .
« Il y a lieu d’empêcher toute discrimination directe ou indirecte à l’encontre des personnes qui ne sont pas vaccinées, par exemple pour des raisons médicales, parce qu’elles ne font pas partie du groupe cible auquel le vaccin contre la COVID-19 est actuellement administré ou pour lequel il est actuellement autorisé, comme les enfants, ou parce qu’elles n’ont pas encore eu la possibilité de se faire vacciner ou ne souhaitent pas le faire ».
En attendant les décisions de ces juridictions, certains salariés et agents de la fonction publique qui n’ont pas fait le choix de la vaccination ou qui ne présentent pas un Passe sanitaire répondant aux dispositions de la loi, sont d’ores et déjà confrontés, et le seront de façon encore plus drastique, à partir du 15 septembre prochain, à des situations notamment au regard de leur emploi qui peuvent être dramatiques, tant pour eux-mêmes que pour leur entourage.
Le travail de l’avocat consiste à prendre en compte toutes les situations qui pourront lui être soumises par ses clients, et de rechercher avec eux en fonction de toutes les sources du Droit nationales ou internationales, des solutions juridiques ou judiciaires pour répondre à leurs demandes.
C’est dans ce combat-là que je souhaite actuellement me positionner et m’engager.
bonjour,
je me permets de vous écrire ce jour car je suis agent hospitalier suspendu depuis le 15/09/2022, administratif. j’ai pris un avocat qui a fait un référé auprès du tribunal administratif de Marseille et le quel à rejeté d’un simple revers de manche ma requête, sans audience.
aujourd’hui je suis dans l’impasse car mon statut est complètement fictif car je souhaite réintégré une administration publique afin de ne pas perdre mon statut ni mon grade durement obtenu. Même si j’ai un travail dans le privée cette situation est contraignante. J’assume totalement mon choix mais la sanction est disproportionnée en rapport de l’action.
Surtout qu’avec le recul les vaccins ne sont pas si efficaces que prétendu.
Quel peut être mes recours devant la justice? Je viens de lire un article sur une infirmière portant plainte contre X et donc représentée par vous et Me Stucklé. Puis-je me joindre à cette action, qu’elles en sont les procédures?
merci du temps que vous accorderez à mon mail.
Emmanuelle