La chambre Correctionnelle de la Cour d’Appel de BESANÇON dans un arrêt rendu le 18 octobre 2018 qui fera date, a confirmé, au terme d’une argumentation implacable, le jugement de culpabilité rendu par le Tribunal Correctionnel de BESANÇON en date du 30 novembre 2016 à l’encontre du CHRU de BESANÇON pour mise en danger de la vie d’autrui par personne morale pour avoir exposé de manière répétée des agents à des poussières d’amiante.
Dans son arrêt, la Cour d’Appel est allée encore plus loin que le Tribunal, puisqu’elle a déclaré le CHRU coupable d’avoir par la violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, laissé travailler une cinquantaine d’agents hospitaliers dans des zones répertoriées comme étant amiantées, alors que le CHRU avait connaissance de la présence d’amiante dans ces locaux. Cette culpabilité est reconnue désormais pour les quatre infractions pour lesquelles la personne morale représentée par la direction du CHRU avait été poursuivie devant la juridiction pénale, alors que le Tribunal avait prononcé une relaxe pour deux d’entre elles.
La motivation de la Cour d’Appel est particulièrement sévère à l’encontre de la direction du CHRU :
« L’ensemble de ces éléments démontre que, malgré les rappels aux règlements de l’Administration et des acteurs liés à la sécurité au travail, la personne morale a manifestement et délibérément violé des obligations générales et particulières mises à sa charge en ne mettant pas – en face du risque connu et évalué depuis 1997 pour le site de Saint-Jacques et 2006 pour le CHRU lié à la présence d’amiante – les moyens adaptés pour en supprimer ou combattre efficacement les effets, rendant inadéquats les décisions prises par rapport aux fins recherchées. La position du CHRU ne relève pas d’une simple incurie mais de fautes particulièrement graves puisque cet établissement public n’a pas su, en dépit des alertes lancées par les autorités de contrôle (CARSAT, CHSCT, Inspection du travail…) non seulement à une reprise mais pendant plusieurs années et avec constance prendre la mesure de l’enjeu, alors que seule une rigueur absolue et sans faille était de mise ».
La Cour d’Appel souligne également à plusieurs reprises dans sa décision le fait qu’il n’y a pas de seuil d’exposition à la poussière d’amiante en deçà duquel la responsabilité de l’employeur ne serait pas engagée, comme le soutenait à tort la direction du CHRU.
« Sur ce point, la Cour rappelle que l’infraction de mise en danger d’autrui est constituée sans que le risque se soit matérialisé par un dommage, un accident ou une maladie, le délit étant constitué en présence d’un risque certain, même lointain, que les données de la science et les conclusions d’un rapport publié en 2005 établissent que le degré de probabilité de développer un cancer du poumon ou de la plèvre dans les 30 ou 40 ans suivant l’inhalation de fibres d’amiante est certain, sans qu’il n’y ait d’effet de seuil en deçà duquel il n’existerait aucun risque ni de traitement curatif efficace ».
Par ailleurs, la Cour d’Appel déclare cette fois recevable la constitution de partie civile du CHSCT (Comité d’Hygiène et de sécurité de Santé au Travail) du CHRU, ainsi que celles de l’ANDEVA (Association Nationales des victimes de l’Amiante) et de la Fédération CFDT SANTÉ SOCIAUX représentées par le cabinet de Maître Michel LEDOUX, avocat à PARIS.
Devant le Tribunal Correctionnel, seules les constitutions de partie civiles des quatre syndicats représentatifs au CHRU (les syndicats CFDT SANTÉ SOCIAUX DU DOUBS, la CGT, SUD et FO), réunis pour la défenses des agents en intersyndicale dans ce dossier, avaient été déclarées recevables.
Concernant le CHSCT du CHRU, particulièrement investi dans la défense des agents depuis la révélation des expositions à l’amiante, la Cour indique dans son arrêt :
« Sa constitution de partie civile est recevable dans la mesure où il démontre que les faits poursuivis ont causé directement une atteinte à sa mission première qui est la prévention des risques et la sécurité du personnel de l’entreprise, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il a, dès 2006, apporté sa contribution dans la détermination et la prise en charge de la sécurité des personnels confrontés à la problématique de l’amiante sur le lieu de travail, ce qui rentre dans sa mission générale ».
Cette décision a évidemment été accueillie par toutes les victimes avec un immense soulagement, même si la direction du CHRU a décidé de former un pourvoi devant la Cour de Cassation. La position de la Cour suprême est toutefois attendue avec sérénité compte tenu de la motivation sans faille de l’arrêt de la Cour d’Appel de BESANÇON.
La procédure se poursuit actuellement parallèlement devant la juridiction administrative pour obtenir l’indemnisation du préjudice moral des agents exposés à l’amiante, auxquels la direction du CHRU a délivré des fiches d’exposition à l’amiante.
A suivre donc…
Anne-Sylvie GRIMBERT
Dans cette procédure, Maître Anne-Sylvie GRIMBERT était l’avocate des victimes. Elle représentait quarante-neuf agents du CHRU de BESANÇON, ainsi que le CHSCT du CHRU de BESANÇON et quatre syndicats : CFDT SANTÉ SOCIAUX DU CHRU DE BESANÇON, CGT DU CHRU DE BESANÇON, FORCE OUVRIÈRE DU CHRU DE BESANÇON et SUD SANTÉ-SOCIAL DU CHRU DE BESANÇON.
Voir également :
– Article du Journal de l’environnement
– Reportage de France 3 Bourgogne-Franche-Comté – 18 octobre 2018